Onze. C’est le nombre de start-ups françaises revendiquant aujourd’hui une expertise en informatique quantique. Mais combien maîtrisent vraiment des technologies brevetées qui pourraient bousculer la donne ? Sur ce terrain ultra compétitif, rares sont celles qui transforment la recherche en propriété industrielle. Les collaborations entre laboratoires publics et entreprises privées donnent pourtant à quelques pionniers l’accès à des processeurs quantiques réels, un privilège encore presque confidentiel à l’échelle européenne.
En France, plus d’un milliard d’euros ont été injectés dans le secteur sur cinq ans. Ce financement massif ne garantit pas automatiquement que l’industrie nationale imposera sa marque à l’international. Les géants du numérique, autrefois accusés de traîner les pieds, s’activent désormais via des alliances stratégiques, déterminés à ne pas se laisser distancer par des start-ups plus agiles ou des rivaux venus d’ailleurs.
Où en est la France dans la course à l’informatique quantique ?
La France fait figure de pionnière en Europe avec une filière informatique quantique structurée et ambitieuse. Depuis le lancement du plan national en 2021, le secteur s’organise autour de laboratoires de pointe, de groupes industriels et de start-ups capables de concevoir de nouveaux prototypes d’ordinateurs quantiques. L’État a envoyé un signal fort à l’échelle internationale en dépassant le milliard d’euros d’investissements publics dans le calcul quantique.
Les entreprises françaises adoptent des stratégies technologiques variées. Certaines misent sur le potentiel des atomes neutres, d’autres sur les qubits supraconducteurs ou encore sur la maîtrise du spin dans le silicium. Ce foisonnement d’approches donne naissance à des plateformes hybrides qui associent ordinateurs classiques et quantiques, ouvrant la porte à de nouveaux usages informatiques.
Dans la communauté scientifique, les avancées se traduisent par des publications majeures et le déploiement de prototypes ouverts aux chercheurs. Des consortiums structurés autour du CEA ou du CNRS rassemblent universités et industriels, à la frontière entre recherche fondamentale et applications industrielles innovantes.
Voici quelques axes qui illustrent ce dynamisme :
- Développement de processeurs à qubits en silicium ou supraconducteurs
- Expérimentations sur le calcul intensif grâce à des plateformes hybrides
- Progression rapide des investissements privés, avec la deeptech française en première ligne
La France s’invite ainsi dans la compétition mondiale de l’informatique quantique, cherchant à combler l’écart avec les États-Unis et la Chine, tout en affirmant une autonomie technologique sur le continent européen.
Panorama des entreprises qui font avancer le secteur
Pour comprendre l’avancée française dans la technologie quantique, il faut regarder du côté des groupes industriels et des start-ups qui se mobilisent pour franchir la fameuse barrière de la performance quantique. Sur le plateau de Paris-Saclay, véritable centre de gravité de l’innovation nationale, le CEA et le CNRS mutualisent leurs forces pour accélérer la recherche fondamentale et faire émerger de nouveaux processeurs quantiques.
Parmi les figures de proue, Pasqal se distingue nettement. Issue des travaux du prix Nobel Alain Aspect, l’entreprise développe des ordinateurs quantiques à atomes neutres, une technologie reconnue pour sa capacité à passer à l’échelle. Pasqal se fait remarquer par des partenariats avec plusieurs centres de calcul, à Grenoble aussi bien qu’à Paris-Saclay.
Les grands acteurs internationaux ne restent pas à la marge. IBM, Google et Microsoft investissent dans leurs propres équipes françaises, cherchant à connecter leurs puces quantiques aux infrastructures locales. De son côté, Thales s’intéresse déjà de près aux applications pour la défense et la sécurité.
Le secteur se distingue par plusieurs initiatives clés :
- Mise à disposition des premiers ordinateurs quantiques pour la communauté scientifique
- Renforcement des alliances entre acteurs publics et privés
- Lancement de nouveaux consortiums axés sur le calcul haute performance
La dynamique se fait de plus en plus visible : la France rassemble des compétences en nanosciences, photonique et matériaux avancés. Ce maillage façonne une scène où chaque entreprise apporte sa pierre à l’édifice d’un futur quantique.
Zoom sur les start-ups françaises les plus prometteuses
Sur Paris et le plateau de Saclay, la scène quantique française se structure autour de jeunes entreprises ambitieuses. Trois noms retiennent l’attention. Pasqal, en misant sur des processeurs à atomes neutres, vise le passage au calcul quantique utile. Sa technologie séduit déjà des laboratoires de renom, tandis que l’entreprise a levé plus de cent millions d’euros et multiplie les démonstrations auprès de partenaires industriels.
Alice & Bob se démarque par son travail sur les qubits supraconducteurs dits « à chat » : ces qubits capables d’auto-corriger certaines erreurs ouvrent la possibilité de machines tolérantes aux défauts avec moins de ressources matérielles. La société bénéficie d’un soutien solide de la BPI et de plusieurs fonds privés.
Voici quelques acteurs qui incarnent cette dynamique :
- Quandela, en Île-de-France, développe des processeurs photoniques et propose déjà un accès cloud à ses machines. Elle s’appuie sur la robustesse des qubits de lumière pour répondre à la fois aux attentes de la recherche et de l’industrie.
- À Grenoble, Quobly mise sur le silicium pour fabriquer des qubits à spin, profitant pleinement de l’écosystème local dédié aux semi-conducteurs.
Dans ce paysage foisonnant, start-ups, laboratoires et industriels multiplient les synergies. Ces partenariats accélèrent le passage de la technologie quantique à des applications industrielles, tout en affirmant la place de la France sur la scène de l’innovation mondiale.
Des applications concrètes aux défis à relever : quel avenir pour l’informatique quantique ?
La technologie quantique fascine autant qu’elle fait naître de grandes attentes. Dans les centres de recherche comme dans les pôles innovation des grands groupes, le calcul quantique s’annonce comme un accélérateur pour des secteurs variés. Que ce soit avec des qubits supraconducteurs, des atomes neutres ou des spins de silicium, de nouveaux champs d’application émergent chaque année. Modéliser des molécules complexes, résoudre des équations impossibles pour les ordinateurs classiques ou réinventer l’optimisation logistique : voilà quelques-unes des promesses déjà en expérimentation.
Les perspectives se déclinent notamment dans les domaines suivants :
- Les laboratoires de chimie pharmaceutique anticipent des avancées majeures dans la découverte de médicaments, avec des délais de recherche drastiquement réduits.
- Dans l’énergie, les premiers algorithmes quantiques permettent d’optimiser les réseaux et de simuler des matériaux innovants.
- La finance explore des modèles de gestion des risques et de portefeuille, jusque-là hors de portée de l’informatique classique.
Le chemin reste parsemé de défis. La question de la fiabilité des machines domine : pour voir émerger un ordinateur quantique universel et fiable, il faudra encore progresser dans la correction d’erreurs. Les prototypes actuels atteignent quelques dizaines de qubits, alors que l’industrialisation exigerait des milliers d’unités opérationnelles. Les coûts de développement, qui se chiffrent en milliards à l’échelle mondiale, rappellent la dimension stratégique du secteur. Les entreprises françaises, elles, avancent avec un objectif clair : tenir la cadence face aux leaders américains et asiatiques, tout en développant des usages concrets adaptés à chaque secteur.
Le pari du quantique en France ne se joue pas à huis clos. Chaque avancée, chaque alliance, chaque prototype rapproche un peu plus l’Hexagone de la prochaine révolution industrielle. L’histoire s’écrit ici, et elle n’a pas fini de surprendre.


